par Noël Lorande
HARROLD FOLLET est un cuisinier qui ne fait pas de bruit mais dont la démarche est incessante sur le chemi semé d’embûches qui mène au succès. Avec Lutgarde, son épouse, il s’est taillé une solide place au soleil dans le Courtraisis où la concurrence est, cependant, très agissante. Son hôtel-restaurant (quinze chambres) est bien décoré et agencé de manière à accueillir des séminaires. Enfin, le patron est un fin connaisseur en vins. Il vient, d’ailleurs, de remporter de haute lutte le prix de Premier sommelier de Belgique 1981.
Le Gambrinus (1), c’est le nom de l’établissement, n’intéresse cette rubrique que sous l’angle de la gastronomie. Voyons-le donc avec une loupe en forme de fourchette. Harrold Follet a été parmi les premiers à adhérer au mouvement N.C. (lisez nouvelle cuisine) et je me souviens encor d’un dejeuner du Club des gastronomes, il y a cinq ans, où il servit des saint-jacques crues escalopées sur une petite vinaigrette à l’huile de noix et une chiffonnade. Certains des convives, résolument traditionalistes, crièrent au scandale. Il y en et d’autres — dont moi pour trouver cela à leur goût. Pourquoi pas ? Depuis lors — et même avant — on a fait pire sans avoir l’alibi d’une cuisine […].
Je ne sais pas si Harrold Follet sert encore des saint-jacques crues marinées comme en 1976, mais la carte du jour que j’ai sous les yeux recèle quelques plats qui font la part belle à l’imagination. Une remarque est écrite en exergue : « Notre inspiration, pour accompagner les plats, est volontairement tributaire du marché d’aujourd’hui… » Elle est datée du 25 mars 1981 ; citons-en quelques plats: saumon fumé à la mousse de poulet (400); saumon cru, beurre monté à la ciboulette (320); composition froide de homard, langoustines et turbot, coulis de tomates (480); bisque de crevettes de Zeebrugge (250); coquilles saint-jacques beurre blanc, petits le mes croquants (380); grenouilles à l’echalote (380); aperges blanches comme vous les voulez (350); foie gras aux petits lardons (420); escalope de foie d’oie poêlée à l’aigre-doux (480); cervelle de bœuf à l’oseille (300); escalope de saumon au lard en papillote aux oignons doux (400); bar fumé l’instant au jus de truffes et à l’huile de noix (580); blanc de turbot à la sauce légère (550); homard breton au four (900); ris de veau à la crème et aux épinards (500); rognons de veau aux échalotes de Bretagne (450); médaillons d’agneau grillés, mousseline aux poireaux (480); steak de bœuf à la moëlle (480); râble de lapin à la crème au vieux porto et gingembre (pour deux couverts, 400 par couvert); cailles des Dombes au jus de truffes (520); magret de canard sauce framboise (500).
A côté de cette carte figure un menu-dégustation (1.200) servi par table entière. Il se composait comme suit lors de mon passage : terrine de homard et d’écrevisses, coulis de tomates; coquilles saint-jacques aux petits légumes croquants; saumon au lard en papillote; quelques feuilles de witloof au jus de truffes; grenouilles à l’échalote; magret de canard aux trois poivres; soufflé chaud au roquefort; le grand dessert. Enfin, Harrold Follet annonce une formule qui me laisse rêveur : « ur commande (24 h à l’avance), dîner « carte et cave blanches » point 2.500 F tout compris. »
On imagine aisément que, chez un tel ami du vin, la cave soit à la hauteur de sa réputation. Elle, l’est et ce maître sommelier l’a agrémentée d’une œnothèque prestigieuse. Dernièrement, Harrold Follet a voulu mettre sa science à l’épreuve en offrant l’Académie épicurienne de Belgique, de Francis Geerts, un menu entièrement soutenu par du vin blanc. Le succès fut total. Les plats, que vous retrouverez à la carte, étaient les suivants : terrine de homard, langoustines et turbot au coulis de tomates; samon cru, beurre monté à la ciboulette; feuilles de witloof au, jus de truffes; râble de lapereaux sur gingembre et melon; chavignol chaud et tarte aux pommes chaudes flambées au calvados. Le patron fit escorter ces préparations, dans l’ordre, d’un « R » du Château Rieussec, d’un Pinot Gris que l’on prolongea jusqu’à la mâche du witloof, d’un Quart-de-Chaume et d’un Sancerre. Ce menu fut testé en remplaçant le Quart-de-Chaume et menu le Sancerre par du vin rouge mais, finalement, c’est le blanc qui l’emporta. Ce qui fit pétiller de plaisir les yeux malicieux du chef œnologue.
(1) Gambrinus, 102A, Otegemstraat, Zwevegem. Tél. 056-75.55.66. Fermé samedi midi et dimanche. Pri : 16 % de service en sus.
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