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Willem Hiele

Willem Hiele

Ville : Oudenburg
Chef : Willem Hiele
Site web : https://restaurant.willemhiele.be/
Date de la visite : 12 avril 2025

En tournant à gauche après le petit pont sur le Kleine Keignaart à Oudenburg près d’Ostende on rejoint une allée courbe bordée de saules au bout de laquelle on découvre ce bâtiment d’architecture brutaliste ancienne demeure de l’architecte Jacques Moeschal devenue aujourd’hui le restaurant du chef Willem Hiele.

Les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique entrent dans la salle du restaurant par la cuisine où la brigade prépare les premières mises en bouche. La salle à manger, inondée de lumière et emplie ce jour-là d’une musique d’atmosphère langoureuse sélectionnée par Joep Beving, fait face à la plaine salée verdoyante. Les tables rondes sont vêtues d’un nappage blanc impeccablement repassé.

Nous débutons avec un Champagne au goût assez « vineux » de la maison Robert Moncuit (réserve perpétuelle grand cru), une cuvée aux arômes francs et expressifs renouvelée à 50% depuis 2006.

Le Chef, un grand gaillard à la voix très douce, décrit succinctement la première dégustation qu’il vient de nous apporter. « La mer. » Dans un petit bol de gré clair, sur une spirale faite de coquilles de coques, a été déposée une tartelette au fond très mince et croustillant, emplie de rouget barbet et de coques coupés en petits morceaux et décorée de fleurs de pensée, de bourrache et d’ail des ours. Une entrée en matière très appréciée des convives qui donne un aperçu du style du Chef s’adaptant à l’imprévisibilité des arrivages : des produits de toute première fraîcheur peu transformés et un nombre limité d’ingrédients pour des plats parfaitement compréhensibles, des plats au goût pur.

Tartelette de rouget barbet et de coques

Nous poursuivons avec, au creux d’un bol argenté, un tartare de langoustine sous une très délicate gelée de langoustine et une quenelle de caviar belge, humecté d’un bouillon de langoustine rafraîchi. Quelques pointes de verveine apportent leur délicat arôme éthéré citronné. Les petits morceaux quasi-crémeux de langoustine se fondent avec la gelée avant que n’éclatent en bouche les grains de caviar, délivrant leur légère saveur iodée.

Tartarte de langoustines, gelée de langoustine, caviar belge, verveine

Les saveurs marines continuent de s’intensifier avec ces moules fumées et séchées à la texture surprenante – un peu comme de la viande – servies dans leur coquille, humectées d’un jus de moules que vient exalter un miso de potiron. Une préparation aussi originale que délicieuse.

Les palais sont prêts pour la préparation suivante qui marie un morceau d’aiglefin à la cuisson exceptionnelle à du magret de canard fumé. Le contraste des textures est saisissant. Nous avons instruction de goûter les condiments après le poisson et la viande dont le goût reste longtemps en bouche et prend de nouvelles dimensions aromatiques avec, successivement, un petit onglet de câpre, une feuille d’oseille, et une fine tranche de patate douce fermentée. La sommelière propose un aligoté de Raphaëlle Guyot (2022). Pour ma part j’ai opté pour une boisson sans alcool à base d’épinard, de fenouil, de céleri et de coriandre bolivienne. L’accord est très plaisant.

Aiglefin, magret de carnard fumé, câpre, oseille, patate douce fermentée

Le crescendo se poursuit avec une huître d’Oléron fumée à peine deux minutes, nappée d’une crème au raifort bien dosé, et accompagnée d’une quenelle de caviar et de cerneaux de noix épluchés formant une harmonie tout aussi singulière que savoureuse avec le mollusque.

Huître d’Oléron fumée, crème au raifort, caviar belge, noix

C’est ensuite une demi-langoustine passée sur la braise. Sa chair est fondante et nacrée. Sa tête, parée de pétales de fleurs, a été garnie d’une sauce mousseline avec une pointe d’estragon et d’une sauce épicée, faite de crustacés séchés. Un produit exceptionnel magnifié avec simplicité et enivré avec un vin rosé d’Alessandro Viola (Alcamo, 2023). Un très bon accord mets-vin me dit-on, mais je ne regrette pas cette boisson aux carottes, gingembre et algues.

Langoustine, mousseline, fleurs, oursin

Sur un lit de poireaux finement découpés, montés à la crème fraîche avec une pointe de vinaigre, puis imbibés d’un jus de crevettes, voilà une épaisse tranche de rouget grillé au feu de bois sur sa peau devenue croustillante. Les saveurs sont intenses et plus complexes que les plats précédents.

Le printemps arrive dans les assiettes avec de doux petits pois – dont le tégument a été retiré pour ne laisser que les cotylédons – très légèrement croquants et enrichis d’échalottes, une feuille d’ail sauvage ornée de ses fleurs, doucement cuite sur le côté des braises et enveloppant une tendre mousse à la seiche. Une sauce épaisse à l’encre de seiche transforme ce plat simple en plat unique. Cela sent bon et l’accord avec un chardonnay puissant et quelque peu fumé de Carmen et Herbet Zillinger (Horizont, 2023) dont les vignes s’étendent près de Ollersdorf dans le bassin de Vienne, est remarquable.

Petits pois, ail sauvage, seiche

Le printemps toujours, avec l’asperge en bâtonnets légèrement croquants et doux et le cresson au goût pointu en velouté, qui viennent complimenter un rouleau de sole farci d’oursin à la parfaite cuisson. Quelques fleurs et feuilles de lierre terrestre – un peu citronnées mais aussi âpres et boisées – apportent non seulement des taches pourpres à la composition blanche et verte, mais surtout un fort contraste aromatique avec lequel on se plait à jouer.

Sole, oursin, asperge, couli de cresson, lierre terrestre

Conclusion avec la reine du printemps : de grosses morilles farcies de volaille, que vient accompagner une tranche de filet de pigeon exceptionnel. Le Chef verse une sauce soyeuse qui crée l’union des deux produits avant de nous laisser fermer les yeux pour savourer l’ensemble avec un pinot noir d’Alexandre Bain (No 58, 2023) fruité dont l’acidité revigorante galvanise le plat.

Piegon, morille

Premier dessert d’inspiration classique tout en légèreté : sablé, mousse citron, sorbet fraise, fraises très aromatiques marinées avec de la camomille, quelques meringues. Inutile de compliquer plus, sauf peut-être à prolonger cette fraîcheur fruitée par un discret crément du Jura (domaine Pignier). Second dessert, souvenir de l’enfance du Chef : de simples gaufres au beurre et au whisky accompagnées d’une glace fondante à la vanille.

Gaufre, beurre, whisky

Épilogue avec le fromage. Une pratique défendue avec une pointe d’humour par Tim Hayward, l’expert en gastronomie du Guardian, et qui mériterait d’être un peu plus répandue. Honneur à la Belgique : fromage du village limbourgeois d’Hamont-Achel, au lait vache non-pasteurisé ; Saint Maure de Durbuy, une bûche cendrée au lait de chèvre non-pasteurisé qui n’a rien à envier à celle de Touraine ; un fromage de brebis de Stoumont ; le « OG Kristal, » de Rumbeke, au lait de vache réalisé pour Van Tricht et affiné plus de 18 mois, et enfin un morceau d’Achelse blauwe. Pour accompagner, le Président de l’Académie du vin offre généreusement un très élégant Volnay du Domaine Génot-Boulanger (Vieilles Vignes, 2020).

Fromages

C’est le moment de s’installer dans les canapés grèges du grand salon pour déguster quelques mignardises et cafés, tout en discutant de l’inoubliable expérience que nous venons de vivre. En sortant, nous retrouvons le Chef que nous complimentons une dernière fois.

Une adresse incontournable !

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Willem Hiele*, Oudenburg, Belgium (Chef: Willem Hiele)