Une métamorphose, une renaissance plutôt, s’est opérée depuis que le Club royal des gastronomes de Belgique a remis à Christophe Hardiquest le Prix Cristal 2014. Le Chef a en effet développé un nouveau concept pour son restaurant désormais appelé Menssa. Il se tourne vers un futur qu’il envisage durable et en lien avec la nature. Dès l’arrivée, le décor d’inspiration sylvestre que prolonge le jardin, apaise.
Nous nous installons autour de quelques sections de troncs d’arbres sur une confortable banquette évoquant un tapis de mousse et en partie chauffée par les rayons du soleil. Nous revoyons avec plaisir une Membre romaine. La conversation s’anime. Un magnum de vin de Champagne Bollinger est servi, rapidement suivi de mises en bouche originales. Cornets de veau aux câpres présentés au creux de soliflores blancs et bleu-intense en forme de main. Beignets tièdes et légèrement croustillants oints de crème aux oignons et parsemés de graines torréfiées. Délicieuses gougères au céleri rave.
Passage à table.
Assis sur de hautes chaises de velours vert autour d’un comptoir de bois satiné cernant la cuisine, les Membres du Club et leurs invités sont au premier plan de la création culinaire. Dernière mise en bouche à l’équilibre de saveurs remarquable : velouté de betterave rouge et glace à la moutarde.
Le défilé culinaire commence, apporté par les cuisiniers eux-mêmes. Le sommelier présente au fur et à mesure ses trouvailles parmi les quatre-cents références du restaurant et propose aussi des boissons non-alcoolisées originales « maison » pour des accords très réussis.
Honneur aux produits iodés d’abord, avec, au creux d’une feuille de verre rappelant celle d’un ginkgo, un carpaccio de douces noix de coquilles St-Jacques, enrichi d’un crémeux savamment dosé aux huîtres de Zélande. Des œufs noirs et rouges de poisson et quelques feuilles de mertensie maritime vivifient l’ensemble sans écraser la St-Jacques.
Surprise du Chef qui semble savoir lire dans les pensées de ses clients : il aplatit du pain de mie au rouleau à pâtisserie, le recouvre généreusement de lamelles de truffes noires, puis de quelques champignons de Paris, ajoute une couche d’un mélange crémeux à la mélano, retourne cet ensemble sur un autre similaire, puis débite en petites portions. Résultat : de sublimes petits sandwiches odoriférants et goûteux !
Le plat suivant est remarquable par son jeu de textures et sa balance de saveurs délicates de coco et de topinambour électrisées par une pointe de toum libanais (sorte d’aïoli). Sous forme d’onctueux savarin pour la première et de lisse pommade pour la seconde, ces saveurs mettent en valeur un fin tartare d’encornets faiblement citronné et à la granulosité très plaisante.
Suit un plat végétal, source d’une explosion gustative. Sous quelques lamelles de champignons de Paris bruns se cache une préparation très moelleuse d’oignons doux. Celle-ci est simplement flattée d’une sauce intense aux cèpes piquée d’un jus d’ail rôti. Un plat emblématique ! Il est suivi d’un foie gras poêlé et chou vert dans un bouillon de pot au feu, sublimé par un gel de coing et yuzu. Puis d’un rouget grondin parfaitement cuit au feu de bois avec une sauce au vin rouge et un aïoli d’ail noir. Une belle transition avant le « plat principal » de cette progression croissante de saveurs pleines et profondes imaginées par le Chef.
Dégageant des effluves très agréables, de longues et fines tranches, roses à cœur, de canard colvert rôti au sucre muscovado et vieux rhum. Elles sont accompagnées d’une purée de pomme de terre au pecorino fumé et d’un salmis des abats bien assaisonné et électrisé de quelques feuilles de d’estragons.
Petite pause et discussion avec le Chef et les autres convives, avant le dessert.
Dans une bonbonnière de porcelaine blanche en forme de figue, chacun découvre une écume d’orange enveloppant un sorbet au cumin. Une association d’une grande fraîcheur et légèreté, tout aussi étonnante que sublime, grâce à un parfait dosage de l’apiacée.
Conclusion avec des saveurs chaudes et piquantes de pain d’épice, de caramel, de vanille, de mandarine et de gingembre, et une construction mordorée de textures croquantes et onctueuses. Une satisfaction sereine.
Même si l’envie y était, pas d’applaudissements cette fois de peur de gêner les autres clients avec qui nous partageons le comptoir. Beaucoup de compliments en revanche.
Retour sur le « tapis de mousse » initial pour quelques digestifs et afin d’échanger ses impressions. Mais le temps passe vite en bonne compagnie… Il faudra revenir.
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