par Joseph Delmelle (extrait)
L’ère du machinisme, introduisant la facilité dans bien des domaines, a provoqué une certaine désaffection de valeurs autrefois honorées comme il convenait. Et c’est pourquoi, afin de rendre à l’existence le sel qui lui confère toute sa saveur et — aussi — de faire ressortir la qualité et le profit d’une certaine optique des choses, se sont constituées, au cours de ces dernières années, maintes associations avant, chacune, son objet propre. Nous parlerons, cette fais, de trois d’entre elles : le Club des gastronomes, la Frairie Jean-Biétrumé Picar et les Chevaliers de la Tour.
Nombre de clubs gastronomiques belges s’imposent une règle absolue de discrétion à laquelle le Club des Gastronomes ne déroge pas. Présidée par M. Pierre-J. Morren, avec un dynamisme dont les heureux effets se manifestent dans de multiples autres secteurs du vaste domaine touristique, ce groupement, dont l’activité s’étend à tout le pays, rassemble nombre de personnalités — dont il ne sied pas, pour respecter le mot d’ordre auquel nous avons fait allusion plus haut, de révéler les noms — et d’hôteliers-restaurateurs, unis dans un même culte et un même respect pour les succulences de la table. Gastronomes et professionnels de la cuisine se trouvent donc groupés au sein de ce club ou, plutôt, de cette sorte de chevalerie moderne dont l’entraide et la fraternité sont l’esprit. Bonne chère et bon vin n’engendrent pas la mélancolie ni la misanthropie, bien au contraire, et les membres du Club des Gastronomes affichent toujours cette sympathique bonne humeur qui ne trahit pas seulement la satisfaction des papilles et du ventre mais, également, ce contentement intérieur grâce auquel on affronte, avec le maximum de chances de succès, les difficultés inhérentes à l’existence quotidienne. Voir les choses par le bon bout de la lorgnette !
Tel est, en définitive, l’objectif qu’atteint le Club des gastronomes en conviant ses adhérents — une élite — à de fines agapes où, comme il sied, l’esprit est toujours présent. Mais l’association ne se borne pas à des manifestations en vase clos. Curnonsky, dont on n’a pas fini de regretter la disparition : le gastronomade. Gastronomie et tourisme — cette forme évoluée du nomadisme antique — ont scellé une union que les années ne font que cimenter plus étroitement. Le Club des gastronomes tient compte de ce fait nouveau et, répondant à sa vocation, il a créé ou, plutôt, repéré une foule de relais hôteliers se situant en première ligne sur le front de la gastronomie et faisant honneur à la science et à l’art culinaires. Car la cuisine est une science et un art, exigeant autant de connaissances que d’intuition, de méthode que d’inspiration, de prudence que de témérité, de travail attentif que d’élan créateur. Au demeurant, la haute cuisine ne met-elle pas en honneur l’un des visages les plus humains de notre civilisation occidentale, continuant — à sa façon — une tradition humaniste. À sa façon, c’est-à-dire en maintenant l’accord de la délicatesse artisane et de l’esprit artiste, nécessaire à la réalisation de ce « bel ouvrage » dont Péguy fit un jour l’éloge — en général — et dont notre époque semble avoir perdu, clans tant de domaines, le souci et la fierté. […]
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