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Hof Van Cleve

Hof Van Cleve

Ville : Kruishoutem
Chef : Peter Goossens
Site web : https://hofvancleve.com/
Date de la visite : 11 septembre 2021

Le deuxième samedi de septembre 2021, les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique étaient accompagnés du Président d’honneur de l’Académie internationale de la gastronomie, venu expressément de Paris, afin de remettre au Chef Peter Goossens, le Grand Prix de l’Art de la Cuisine de l’Académie, pour son « interprétation moderne d’une cuisine de terroir et sa contribution exceptionnelle à la gastronomie belge. »

Les attentes étaient élevées, de par la renommée du Chef, mais également à cause des expériences mémorables précédentes de certains Membres. Elles furent comblées.

Les commensaux furent accueillis chaleureusement par Madame Goossens et sa brigade de salle, efficace et discrète, dans l’ancienne fermette convertie en restaurant sobrement luxueux, devenu un passage obligé pour tout gastronome en Belgique.

Le déjeuner festif commence par une généreuse série d’amuse-bouche aux saveurs en crescendo inspirées des voyages du Chef, accompagnée sans modération de « L’extravertie, » vin de Champagne grand cru de la Maison Pertois-Lebrun en blanc de blancs, à la robe dorée élégante, au nez expressif de fruits secs, se révélant en bouche par ses notes exotiques et légèrement citronnées. D’abord un clin d’œil au grand classique de la gastronomie belge, une crème de tomates sous une infusion limpide et très parfumée de crevettes grises avec une pointe originale et subtile de livèche. Ensuite, du saumon sauvage de Norvège snacké sur l’extérieur avec une tisane rafraichissante de pérille aromatique. Puis des moules de bouchot originalement acoquinées à de l’aubergine et du vin de Xérès. Et enfin, des tronçons fondants et épicés de tentacules de poulpe, en contraste avec de l’ajoblanco sous forme d’écume.

Amuse – Saumon norvégien – nouilles – shiso (« L’extravertie, » grand cru blanc de blancs, Pertois-Lebrun)

Pendant ce ballet de produits marins de la plus belle qualité, on présente aux convives un chariot d’une dizaine de magnifiques pains « maison » de céréales diverses – épeautre, seigle, blé dur, blé tendre, etc. – différemment façonnés, aux belles croûtes colorées. Il est difficile de résister à cette tentation boulangère.

La première entrée, tout en fraicheur, comme le vin l’accompagnant (Glaser Himmelstoss, sylvaner, Franconie, Allemagne 2020), joue sur l’harmonie des nuances de rose et de vert, et le contraste des températures : une grosse langoustine de Guilvinec, fièrement adossée sur une tranche d’avocat crémeux, repose sur un lit froid de concombre et pommes vertes. La douceur de la langoustine est galvanisée par l’acidité de la pomme. Le plat est complété par un petit pain à la vapeur farci de dés de langoustine. L’entrée suivante n’était pas prévue.

Le Chef nous a généreusement gâtés avec un flan délicat au miso, une purée texturée de chou-fleur et une grosse cuillère de caviar osciètre qu’il a sélectionné chez un producteur du Piémont. L’ensemble présente un bel équilibre de saveurs douces et iodées, de fines textures soyeuses et granuleuses, et de couleurs apaisantes : beige, blanc et noir. L’excellent sommelier, Tom Leven, avait habilement proposé un chablis (« Le Bas de Chapelot, » d’Eleni et Édouard Vocoret, 2018) ciselé et marqué d’une belle tension minérale pour enivrer le plat.

On continue sur les produits de la mer avec un morceau de cabillaud à la blancheur immaculée, s’effeuillant sous la fourchette pour dévoiler son cœur translucide. Un bouillon de cerfeuil très goûteux remplace la sauce. Un tartare de bulots et une noisette de purée d’ail noir apportent une belle profondeur au plat que complète à merveille un vin de bourgogne blanc de Paul Pillot (2019). Les entrées se terminent avec un manchon de crabe royal juteux, fendu dans sa longueur pour y recevoir un mélange à base de maïs parfumé de charmoula, et saupoudré de mimolette râpée. Les couleurs chaleureuses du plat, rouges et oranges, tranchés de vert profond préfigurent l’impression gustative : l’explosion de saveurs en bouche surprend certains qui auraient préféré un gout plus pur sur le crabe, mais l’association est une grande réussite procurant une longueur en bouche durant laquelle se détachent une à une les saveurs individuelles. Il fallait un vin plutôt acide et minéral tranchant avec ce plat épicé et iodé, ce que fit un riesling remarquable d’August Kesseler (2003).

Langoustine ‘Guilvinec’ – pomme – concombre – avocat (Franconie, Glaser Himmelstoss, Sylvaner, 2020)

C’est alors le moment de choisir, pour le plat principal, un couteau façonné par le Maître Antoine Van Loocke. Après huit produits de la mer différents, place au bœuf « Holstein, » race caractéristique du littoral de la mer du Nord. La viande persillée présente une mache très agréable. Une délicieuse compotée de cèpes et un tube de chou pointu confit l’accompagnent. L’originalité du plat tient dans l’apport de safran, savamment dosé, à la sauce. Le sommelier surprit les convives avec un vin de Valpolicella élaboré par Stefano et Nicoletta Campedelli, appelé « Marion, » vin débordant à la fois de finesse et de puissance, judicieux pour le plat proposé.

Bœuf ‘Holstein’ – chou pointu – parmesan – safran (Valpolicella, Marion, 2014)

Le Chef Peter Goossens, fait alors son apparition en salle et s’enquiert auprès de chaque table du restaurant. Il lui échoit une séance de signatures de menus à certaines. Les compliments fusent.

Le moment passé jusqu’à présent semble se résumer à un instant lorsqu’arrive, déjà, vers seize heures tout de même, le premier dessert, estival et floral, très harmonieux et peu sucré : pêche blanche pochée, hibiscus, géranium et verveine. Les amateurs de chocolat sont rassurés avec le deuxième dessert : dissimulé sous une crêpe de chocolat noir, un palet lisse et froid au chocolat, déposé sur un mélange granuleux, fruité, et parfumé de bergamote, donne une sensation saisissante en bouche grâce aux différences de température et de textures. Chaque dessert est magnifié par son vin : un tokay d’Attila Homonna (2018) pour le premier, un vin de Madère Maderista X, Inta Negra pour le second.

Pour accompagner les thés, tisanes et cafés, chacun reçoit un (ou plusieurs !) de ces coquillages « si grassement sensuel[s], » encore tiède, tout en étant alléché par un opulent chariot de tartes, babas, macarons, gaufrettes, chocolats, et autres pâtisseries et mignardises.

Madeleine

Il est temps de remettre au Chef le prix annoncé. Afin de ne pas déranger les autres convives, le Président d’honneur de l’Académie internationale de la gastronomie et moi, sommes invités à rejoindre Peter Goossens sur la terrasse où nous lui expliquons brièvement la genèse du prix, le félicitons pour le déjeuner du jour, ainsi que pour sa contribution au rayonnement international de la gastronomie belge.

Le temps couvert ne permettant pas de prendre un dernier verre ou un cigare en terrasse, vers dix-huit heures, les Membres du Club reprennent l’autocar qu’ils avaient affrété afin de rejoindre Bruxelles puis leur domicile, nul doute se remémorant les plats marquants de ce déjeuner exceptionnel.

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