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Tribeca

Tribeca

Ville : Heeze, Pays-Bas
Chef : Jan Sobecki
Site web : https://restaurant-tribeca.com/
Date de la visite : 17 octobre 2021

La route est longue de Bruxelles à Heeze, au sud-ouest d’Eindhoven. Mais le Brigadier du jour a garanti aux Membres du Club royal des gastronomes de Belgiques qu’ils ne seraient pas déçus du déplacement.

Là-bas, derrière une façade blanche sans prétention, se cache le restaurant Tribeca du Chef Jan Sobecki. Celui-ci réinterprète une cuisine classique avec des trouvailles glanées au cours de sa carrière internationale, de l’Amérique innovante – le nom du restaurant est bien-sûr un clin d’œil au quartier new-yorkais – au Paris classique.

Dans la salle aux teintes très contrastées et à l’éclairage ciblé, des voilages le long d’une baie vitrée laissent filtrer uniformément un peu de lumière naturelle. Nappes de coton blanc, larges serviettes roulées, fauteuils pivotants.

On patiente le temps que tous les convives, venus nombreux, prennent place avant de commencer à servir un vin de Champagne 1er cru de la maison Gimonnet. Déjà certains Membres discutent du choix de la température qui laisse s’exprimer les arômes du breuvage, dont la première gorgée donne un plaisir exacerbé par l’anticipation du repas et l’attente causée par le voyage. Le Chef propose les amuse-bouche en deux temps. D’abord une série de quatre propositions croustillantes : une savoureuse tartelette ondulée et fine comme du papier bible garnie de ris de veau à la sauce soja, une feuille de shiso en tempura surmontée de céleri rave râpé et de trompettes de la mort, un petit biscuit très croquant en forme de disque biconcave sur lequel se dresse un petit monticule de chou-fleur – cuit au curry et cru râpé –, et, sur un promontoire de porcelaine, un cylindre craquant, fourré d’une étonnante crème au chocolat amer et au foie gras, et décoré de petites sphères parfumées au Frangelico, dont le goût typique de fruit aurait pu faire confondre l’ensemble à une ganache pralinée, si celui-ci n’avait été salé. Ensuite, en noir et blanc et à l’apparence de cercles concentriques irréguliers, une mise en bouche dont le nom « Pommes Tsarine » trahit quelque peu sa composition, mais qui n’en demeure pas moins intéressante grâce à un subtile jeu de textures de pommes de terre, salé et iodé par du caviar.

Amuse – tartlet, soja, sweetbread
Amuse – shiso, celeriac, trompette de la mort

La première entrée arrive comme un écho à la dernière mise en bouche. Les cercles sont presque parfaits. Le caviar trône sur un fin disque de gelée à la bergamote, interface translucide le séparant du lit circulaire de crabe émietté, ceinturé d’une sauce au lait de coco tachetée d’une huile légèrement infusée au citron vert. La douce fraîcheur du crabe s’allie agréablement avec les grains iodés, tandis que la gelée et la sauce apportent une légère aigreur d’agrume atténuée par la noix de coco. Le tout est enivré par un riesling minéral et subtilement salin de Michaël Gutzler en Hesse-Rhénane (2018).

North-sea crab, coconut, lime, caviar (Wingut Gützler, Riesling Morstein GG 2018, Germany)

On continue avec les produits de la mer. En l’occurrence une corpulente langoustine d’Island à la cuisson parfaitement maîtrisée, servie sur un bouillon végétal réduit, au goût très puissant et complété d’une suave écume aux fleurs de sureaux. L’ensemble est galvanisé par un Grüner Veltliner autrichien de la maison Bründlmayer aux nuances exotiques et épicées, habilement choisi par le sommelier (2016).

Langoustine, elderflower, vegetable broth (Wingut Bründimayer, Grüner Veltliner Alte Reben 2016, Austria)

L’opulente série d’entrées marines se conclut avec un morceau de turbot poêlé, coloré sur l’extérieur, ferme, juteux et à peine translucide en son centre, dissimulé sous une duxelles fondante et des copeaux de topinambour, de parmesan, et de truffe blanche. Les arômes d’ail et de fromage, et les saveurs fongiques et fumées se complètent harmonieusement, contrastent avec le poisson sans l’écraser, tout en tenant tête au vieux millésime insolite de la famille Puklavec (1994), et permettent une transition lisse vers les plats plus « terrestres » qui suivent.

Turbot, white truffle, Jerusalem artichoke (Puklavec, Chardonnay, 1994, Slovenia)

D’abord, saison oblige, un morceau de filet de chevreuil superbement cuit, agrémenté de betterave compotée, d’une cerise fourrée au chocolat, et d’un jus de cuisson peu concentré. Un plat sans faute magnifié par un pinot noir aux arômes de cerises mûres, soyeux et peu corsé avec une longue fin en bouche du domaine Berthaut-Gerbet (2018).

Venison, Beetroot, cherry, chocolate (Domaine Berthaut-Gerbet, Hautes Côtes de Nuits, 2018, France)

Enfin, une tranche parallélépipédique fondante à souhait de bœuf wagyu « A4 » passée à la flamme pour un arôme fumé, complétée d’artichaut, de livèche et de truffe blanche et exaltée par un très jeune cabernet franc de Loire au nez étonnamment intense d’herbes et d’épices, et au goût frais et continu (Clau de Nell, 2018).

Wagyu, truffle, artichoke, lovage (Clau de Nell, Cabernet Franc 2018, Loire, France)

La brigade de salle dont l’efficacité remarquable et l’affabilité méritent d’être soulignées, ne faiblit pas, et, de concert avec la brigade de cuisine, contrôle le tempo régulier du repas qui s’approche malheureusement de sa fin.

Le dessert oppose le chaud d’un soufflé éthéré au froid d’une construction qui, elle-même, marie le vert et le blanc, contraste le croquant juteux et acidulé de la pomme verte avec celui, plus sec et salin du céleri branche et joue entre l’onctuosité d’un sorbet à la pomme et celle d’une crème fouettée miellée. Cet ensemble peu sucré, frais et léger était en harmonie avec un vin légèrement pétillant de Nouvelle-Écosse produit selon la méthode Charmat.

Granny smith, soufflé, honey, celery (Benjamin Bridge, 2019, Nova Scotia Canada)

Avec les thés et cafés, on retrouve notamment d’excellentes madeleines encore tièdes et une originale barre de caramel saupoudrée de sucre acidifié et à partager.

Une fois n’est pas coutume, les convives n’ont pas pu féliciter directement le Chef. Ils lui auraient probablement signifié que, malgré la distance, ils reviendraient très certainement de Belgique dès que l’occasion se présenterait.

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