La neige tombe à gros flocons sur la drève de Lorraine, ce deuxième jour de décembre. Les Membres du Club royal des gastronomes de Belgiques et leurs invités, heureux de pouvoir se retrouver, se blottissent au coin d’une cheminée sous la verrière du Chalet de la forêt. Le chef Pascal Devalkeneer fait une brève apparition pour accueillir les convives avant d’aller diriger la cuisine.
Des arlettes au serpolet et au miel, plantées dans des buissons de thym évoquent un doux été déjà lointain ou imaginaire. Le soleil fait une timide apparition. On passe à table. Champagne doré dans les verres. Les mise en bouche sont présentées : Gougères, croustillantes à l’extérieur et onctueuses en leur centre ; tartelettes filiformes et ondulées, emplies de duxelles et revêtues d’une mousse fongique voluptueuse, pour laquelle une pointe de cerfeuil apporte une agréable fraîcheur herbacée ; sous une écume aérienne au goût profond de crustacés, homard dont la texture souple contraste avec une ferme brunoise de racines.
En première entrée, au centre d’une assiette rustique, simplement présentée, une belle tranche de foie gras de canard, crémeuse à cœur, épicée sur son pourtour, saupoudrée de sel et accompagnée de coing poché dans des épices douces et de poires en mirepoix légèrement compotée et acidulée. On apporte des brioches cannelées, impeccablement feuilletées et stratifiées d’épices, enroulées sur elles-mêmes telles de grosses coquilles d’escargots, ainsi que des petits pains façonnés avec précision, de teinte jaune dorée au coup de lame bien « craché. » Le sommelier nous transporte en Andalousie avec un grand vin de Pedro Ximénez, brun foncé, limpide, fin et frais avec une explosion d’arômes d’iode, de cèdre, de caramel. L’ensemble fait osciller le palais entre gras, acidité, salinité, onctuosité, et croustillant.
La seconde entrée, opposant le rose et le vert au sein d’une blanche corolle ondulée de fine porcelaine de Limoges, nous fait découvrir le produit d’une pisciculture familiale de Malmédy. À peine cuit, le parallélépipède de truite saumonée, sous un voile de fine peau du salmonidé qui dissimule de petits croûtons au beurre noisette et des éclats d’amandes, repose sur un lit de chou frisé cerné d’une émulsion aux herbes. On pense à la truite au bleu, à l’anguille au vert, peu importe, galvanisé par un vin naturel de riesling et de sauvignon, du sud-ouest de Chablis (Caravan, Domaine Alice et Olivier de Moor, 2019), au subtil équilibre entre les notes fruitées et la minéralité, la composition sans faute satisfait les convives.
Un filet de faisane à la peau grasse, épaisse, goûteuse et fondante, finement tranché, et accommodé d’un chicon confit couvert de feuilles de choux de Bruxelles et de pommes gaufrettes, constitue le plat principal. La cuisson maîtrisée du gibier lui conserve sa tendreté, et sa fine découpe, lui permet d’absorber la riche sauce à la Fine de Champagne. Difficile d’accompagner ce plat car les choix possibles sont nombreux, mais le sommelier apporte en magnum, un vin du Palatinat (Vieilles vignes, Domaine Braun, 2016), assemblage de pinot noir et de portugais bleu, assez rond en bouche avec des saveurs de café et de caramel, complétant le plat très agréablement.
Pour conclure, le pâtissier propose une création originale, inspirée de la gaufre et du millefeuille classique, dont Grimod de La Reynière disait qu’il ne pouvait « être enfanté que par un homme de génie. » Lorsque l’assiette est présentée, le sucre glace et les effluves de vanille font penser à une gaufre chaude, mais la dégustation qui révèle le fragile feuilletage fourré de crème chiboust, nous fait immédiatement revenir au millefeuille. Ce dessert étonnant, est enivré d’un délicieux muscat de Rivesaltes (Domaine les Milles Vignes, 2019), frais, très aromatique et avec peu de sucres.
Après le café et les mignardises, les Membres prolongent ce moment de chaleureuse convivialité, à leur point de départ, autour de l’âtre, avec un verre de vin de Champagne, de bas Armagnac ou d’un alcool au yuzu, selon les goûts, évoquant déjà leur prochaine réunion.
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