Au bout d’une allée gravillonnée entourée de rhododendrons et d’hortensias, les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique sont attendus par Roger Souvereyns – Chef emblématique des années 1990 et connu pour le légendaire restaurant Scholteshof à Stevoort – sur une charmante terrasse arborée et fleurie d’une belle demeure discrète de Kalmthout.
Des magnums de champagne rosé de Claude Pinot sont disposés dans une grande vasque emplie de glace et servis avec des cuillères apéritives : cube de thon rouge au balsamique et fine rondelle de radis croquant ; homard et sauce à la mangue ; grosse langoustine légèrement panée au curry et frite. Le ton est donné : de beaux produits, des goûts marqués, et des préparations simples (en apparence tout du moins).
Un serveur nous dirige à travers le jardin vers une serre reconvertie en luxueuse salle de réception. Dans ce lieu enchanteur presque sorti d’un magazine de décoration, et baigné de lumière, nous attend, sous des parasols, une grande table abondement décorée de pivoines blanches et de bougies ivoire sur des chandeliers argentés.
Première entrée : pâté frais et léger de pintade aux raisins blancs, agréablement accompagné d’un chutney de rhubarbe dont l’acidité a été atténuée par un long « compotage. » Le Chef nous explique qu’il a réalisé des pâtés pendant des années dans son célèbre restaurant. Il nous propose un vin du domaine La Porrona en Toscane (Brusone, Montisi), frais et attrayant, aux arômes fruités intenses.
En seconde entrée, trône au centre d’une assiette, un tartare de coquilles Saint-Jacques subtilement parfumé à l’aneth, lié à la crème aigre, couvert d’une couche épaisse de caviar d’Italie, et couronné d’un buisson de salicornes, de bâtonnets de poireau, et de têtes de champignons enoki. Ce très savoureux ensemble de goûts iodés et de jeux de textures, forme un bel accord avec le vin précédent.
Il a fallu près d’une livre de champignons par personne pour le bouillon longuement infusé et réduit à la base de l’entrée suivante : un capuccino (sans café) de champignons, soyeux en bouche, au goût pur et intense sans excès, servi dans un petit bol blanc. En surface des lamelles très fines de champignons de couche et une pluche de cerfeuil.
En cuisine le Chef s’active pour terminer la cuisson d’épais filets de bar de ligne. Il me fait goûter la sauce qui va l’accompagner en me dévoilant les ingrédients : bouillon de légumes avec de multiples aromates, vin blanc, beurre, etc. Magnifique à elle seule ! De l’ail confit et raidi dans du beurre, est mêlé aux épinards. Le poisson est saupoudré de vadouvan avant d’être poêlé, puis déposé sur un lit d’épinards au centre d’assiettes liserées d’un discret motif doré. L’ail légèrement frit des épinards fait écho à celui du vadouvan, tandis que l’onctuosité des épinards contraste avec le croquant du vadouvan ayant formé une petite croûte sur le poisson. La sauce électrise ce plat d’inspiration très classique mais étonnamment transformé par les condiments et enivré par un vin blanc du Château Montbousquet (2018).
En pièce de résistance : jeune pigeon farci au foie d’oie, enrobé d’une feuille de chou et de crépine, accompagné des cuisses confites dans de la graisse d’oie, d’une betterave taillée en disque biconcave pour accueillir des petits pois, d’un cœur de petit artichaut empli d’un salpicon de morilles, et d’une grosse asperge blanche. Pour ce plat généreusement servi, on retrouve un vin du domaine La Porrona, en rouge rubis foncé cette fois-ci (Brusone, Montisi), au bouquet intense, rond en bouche, et peu tannique, d’un bel effet sur le pigeon.
Le repas se conclut avec une coupe de fruits rouges bien mûrs, liés d’un coulis de fruits, et rafraîchis d’une onctueuse glace à la verveine turbinée minute. Simple et délicieux. Un vin pétillant du Piémont est un compagnon idéal.
Avant de prendre un café en terrasse, je félicite le Chef pour ce repas presque familial, rappelant quelques mots de mon prédécesseur, avant que les convives le félicitent à leur tour par des applaudissements mérités.
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