Après une visite guidée du Palais des beaux-arts qui leur a permis de mieux apprécier les talents de l’architecte Victor Horta, passant par la grande salle de concert et ses coulisses, les salons royaux, pour terminer avec l’excellente – et pourtant peu connue – cinémathèque, les Membres du club royal des gastronomes de Belgique, accompagnés d’amis du Club, se sont retrouvés autour d’une longue table dans une partie semi-privative du restaurant Bozar, où le Chef Karen Torosyan les attendait pour une collection de plats aux saveurs clairement identifiables et à la présentation tirée au cordeau.
Un champagne Deutz Brut Classic généreusement servi accompagne quelques très goûteuses dégustations apéritives d’inspiration traditionnelle. Lavash au romarin en signe de bienvenue. Tartare de bœuf coupé au couteau dans le creux d’une très mince tartelette croustillante recouverte d’un disque croquant au piment fumé apportant une chaleur en fin de bouche. Rondelle épaisse de jambon de Noir de Bigorre en gelée persillée relevé d’une pointe de raifort. Croquette de crevettes cubique à la croûte fine et croquante, au cœur crémeux, anoblie d’une bisque légère de crustacés. Délicieuse brioche feuilletée, « grassement sensuelle, » en forme de cube, sortie du four quelques minutes plus tôt – que certains enrichissent encore d’un peu plus de beurre. Carpe momentum ! Petite baguette de tradition à la grigne régulière et aux extrémités effilées.
On nous présente, avant son entrée au four, le plat principal nommé « granivore » : cylindre aux extrémités hémisphériques revêtu de graines diverses, dont on découvrira plus tard l’intérieur.
Suit, sous un fin voile de délicate gelée servant de support à une quenelle de caviar Dauricus « Caspian Tradition » que le Chef vient déposer délicatement en salle, un émietté de tourteau nimbé d’une crème à l’oseille de couleur vert-olive nappant le fond de l’assiette, et dont l’acidité est équilibrée par la douceur du tourteau et de la gelée. L’ensemble est enivré par un Riesling d’un des villages les plus célèbres de la Sarre, au nez très minéral avec une fraîcheur et une acidité très agréable (Riesling Willinger de Van Volxem, 2019) complétant idéalement celles du plat.
Seconde entrée. Des noix de coquilles Saint-Jacques doucement cuites à la vapeur, dont le goût doucement iodé fait place à celui d’une purée de chou vert dont elles sont fourrées, sont intercalées avec des disques de feuilles de chou et des lamelles croquantes de carottes. Une sauce mousseuse parfumée au lard et légèrement acidifiée au babeurre complète cet ensemble aux saveurs hivernales judicieusement galvanisé par un grave du Château de Respide (Callipyge, 2019).
C’est au tour du « granivore, » création du Chef, probablement inspirée du classique pithiviers de pigeon au fois gras. Ici la tranche nette qui se reflète dans un jus de pigeon corsé très brillant fait apparaître l’architecture du plat, résultat d’un travail de précision et de délicatesse : un triptyque en dégradé de couleurs – rouge foncé de la viande riche en fer du pigeon breton, rose clair du foie gras d’oie, blanc marbré de l’anguille – et de textures – viande maigre et serrée à la cuisson parfaite, foie onctueux, poisson fondant – cerclé de feuilles de chou bien vertes et d’une très fine pâte morte gorgée de graines – lin, tournesol, sésame, millet, pavot, etc. – que la cuisson a torréfiées et rendues plus croquantes. Le goût fumé de l’anguille imprègne délicatement l’ensemble du plat et se marie étonnamment bien avec celui, plus délicat, du pigeon. Chaque élément a la juste cuisson et apporte, note à note, sa contribution distincte, à ce plat original, savoureux, cependant un peu trop copieux pour beaucoup de convives, malgré l’apport rafraîchissant d’une salade de chicorée rouge tardive servie à part.
Un granité émeraude à l’estragon et au fenouil, remet le palais à zéro avec son goût frais et anisé.
Le Chef nous rejoint sous des applaudissements mérités et je le complimente sur le déroulé du repas pendant que le dessert est apporté.
La combinaison chocolat-poire d’Escoffier est revisitée avec l’apport d’une pointe de gingembre et avec une présentation qui évoque une jupe plissée s’envolant en tournant – celle de la Belle-Hélène ? Mirepoix de poires Passe Crassane bien mûres au goût naturellement délicat mais net, liée d’un sorbet délicatement infusé de gingembre, circonscrite dans une mince tuile chocolatée, couverte d’une crème au chocolat au motif solaire ondulé, elle-même sous un disque translucide de sucre. L’ensemble présente un équilibre subtil de saveurs complémentaires et un contraste délicat de textures.
Ce dîner conviviale à l’ambiance amicale se conclut avec cafés, thés, digestifs et champagnes selon les envies de chacun.
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