Pour conclure une année gastronomique faste, des Membres du Club royal des gastronomes de Belgique et leurs invités se sont retrouvés dans le restaurant Boury de Roeselare que certains avaient découvert onze ans plus tôt.
Quel chemin parcouru par le Chef Tim Boury qui est aujourd’hui à la tête d’un des meilleurs restaurants du Royaume !
Salle privative très confortable entre baie vitrée donnant sur le jardin d’un côté, et les cuisines que l’on aperçoit à travers une fenêtre côté opposé. Sous les 3 étoiles Michelin affichées en cuisine on lit un rappel à la Brigade : « responsibility. »
L’accueil est impeccable, même si Inge, la charmante épouse du Chef, est absente ce jour-là. La brigade de salle est élégamment vêtue. Une musique moderne et discrète crée une ambiance jeune et vivante. Pendant qu’un champagne de Simon Rion (« Originel » brut) est servi, le Chef, amical et souriant, vient saluer chacun des convives – attention qui mérite d’être soulignée. Le diplôme du Club remis au Chef en 2017 est mis en évidence. Autre délicate attention remarquée par des Membres. Nous profitons de la présence d’un écran géant au fond de la salle pour afficher quelques photos des manifestations passées du Club, certaines datant des années 1980.
Passage à table et lecture du menu. Le ballet de sept mises-en-bouche confirme la créativité et la précision du Chef et donne le ton du déjeuner. Difficile de choisir une préférée tant elles sont uniques. Les moules parquées à la livèche, souvenir de la Foire du Midi ? Peut-être ce velours de choux pris entre deux lames croustillantes de parmesan, avec une pointe de moutarde ? À moins que ce ne soit ce remarquable velouté de salsifis aromatisé de xérès ? Et si c’était tout simplement ce « pain » aérien à partager de pâte-levée-feuilletée ? Peut-être eût-il fallu une repasse pour se décider !
Le Sommelier Mathieu Vanneste qui avait déjà su nous éblouir lorsqu’il travaillait dans le restaurant de Peter Goossens, présente le premier vin d’une longue série mûrement réfléchie qui accompagnera le repas. On part sur le Portugal pour de la sériole du Japon déclinée de deux façons. D’abord avec un subtil équilibre de saveurs de radis et de prune fermentée, un délicat dosage de douceur et d’acidité complétant la texture ferme et douce de la sériole. Ensuite, dans une tartelette d’une extrême finesse, avec un très agréable croquant-fondant en bouche.
Encore humide des eaux bretonnes où elle nageait encore la veille, cuite avec une perfection horlogère – gageure réussie considérant le nombre de convives –, servie dans une assiette brûlante, arrive une langoustine charnue, surmontée de navet de feuilles de brocoli-rave et d’un croustillant pain soufflé. Elle est humectée d’un jus épicé au goût intense de langoustine. Un riesling de Léon Beyer (« Réserve », 2020) enivre ce plat. Une seconde préparation de langoustine est présentée dans un œuf blanc strié en porcelaine. La langoustine crue, en petits morceaux, y est mariée au chou-fleur, salée de katsuobushi (bonite séchée fumée) et discrètement aromatisée de basilic. Le sommelier propose un intéressant vin espagnol (Masroig, « Les Sorts » 2021).
De grosse taille, sortie de sa coquille il y a quelques heures, ferme et élastique, colorée sur les faces, translucide à l’intérieur, une superbe noix de Saint-Jacques de Dieppe, est acoquinée avec un rouleau de poireau, enrichi de lardo di colonnata. L’union est consacrée avec une sauce à base des barbes, pimentée avec un condiment coréen (gochujang) sans pour autant écraser la douce saveur de la Saint-Jacques. Sur ce plat intense, le sommelier avait choisi un vin de la Côte d’or du domaine Bachelet-Monnot (2020) qui apportait une agréable fraîcheur en contraste avec la sauce.
L’ouverture d’une jarre de verre emplie de grosses truffes blanches d’Alba dont le parfum puissant, musqué, et ailé, se répand rapidement dans la salle, annonce l’arrivée d’un plat automnal et végétal. Compotée d’endives légèrement sucrée et amère, tranche confite et caramélisée de topinambour, feuilles fraîches, croquantes, et amères de trévise, noisettes torréfiées du Piedmont, feuille d’érable succédanée translucide. L’ensemble est humecté d’un jus végétal doux, et recouvert de lamelles de truffe. Les nuances de textures et de saveurs originales sont sublimées par un vin vieilli oxydatif de la maison Fernando de Castillo (Palo Cortado).
On apporte alors une boîte de bois, dans laquelle on découvre une forêt miniature de mousse, de pommes de pin et de branches d’épicéa dissimulant une selle de chevreuil des Ardennes rôtie. L’effet théâtral est garanti. Quelques minutes plus tard la viande revient présentée dans des assiettes blanches, avec quelques crosnes, têtes de petites girolles persillées et des tranches de betterave jaune. Le jus de viande est enrichi d’une sauce émulsionnée et mousseuse au sarrasin. La viande est exceptionnelle du fait de son goût, sa cuisson, et sa tendreté. Avec cela, le sommelier proposait deux vins très différents, dont on ne retiendra que celui de Stéphane Derenoncourt (Château Le Pin Beausoleil, 2010).
Alors que certains optent pour une sélection de fromages, les autres reçoivent un premier dessert léger et rafraîchissant sur les agrumes : mandarine, kumquat, et calamondin. Acidité et amertume remettent presque en appétit pour tout recommencer. En conclusion une crème au spéculoos en forme d’anneau dont le centre est empli de baies acidulées d’argousier et de dés légèrement sucrés de butternut, et servant de support à une quenelle de sorbet. L’ensemble est complété par un vin ambré de Rivesaltes (Régis Boucabeille, 2018).
Le Chef refait son apparition sous les applaudissements habituels. C’est le moment de faire un commentaire pour conclure ce repas mémorable sans faute, dans une ambiance amicale et festive, facilitée par l’accueil chaleureux, le tempo moderato régulier, le service synchrone des assiettes, la grande qualité des plats, et cette impression simple d’être choyé.
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