Il faut faire attention pour ne pas manquer cette ancienne école de village reconvertie en restaurant à l’approche de Tongres. Le très jeune Chef Jo Grootaers y a établi son restaurant. Nous sommes accueillis par une équipe affable et tout aussi jeune, qui nous conduit au fond du restaurant dans un salon, très haut de plafond, illuminé de lumière naturelle et où nous attendent deux grandes tables rondes de bois, chacune sous un immense abat-jour.
Avec du Champagne Marguet millésimé (Yuman 19), d’accortes serveuses nous présentent deux élégantes mises en bouche au motif floral : rouleau de betterave au foie gras ; galette de polenta, tartare de bœuf et carottes. Elles continuent avec de petites croquettes, puis une chaudrée aux moules. Le pain d’épeautre et de seigle est présenté avec un beurre salé et un autre au fenouil. Un départ très agréable sans fausse note laissant les convives impatients pour la suite.
La première entrée, au centre d’une assiette blanche au motif solaire, allie la sériole du Japon de Zélande et l’anguille fumée. S’opposant à quelques rondelles croquantes de radis blanc, la sériole tendre et souple, tapissée d’épices douces et de graines, absorbe les saveurs d’un bouillon doux et se mêle en bouche avec la saveur fumée de billes d’anguille glacées ajoutées une fois l’assiette déposée. On en redemanderait presque. Le sommelier propose une Vinho Verde (Asnella 2022) pour l’accord.
Nouvelle assiette blanche au motif solaire, mais creuse, pour accueillir un morceau de cabillaud de Norvège (« gadus morhua » que certains préfèrent appeler par le nom norvégien de « skrei »), dissimulé sous quelques feuilles de poireau et de pourpier, ainsi que des « tagliatelles » de calamar. Une beurre-blanc au combava, perlé d’huile infusée des feuilles de l’agrume, termine l’ensemble de nuances blanches et vertes. Remarquable texture du calamar, ressemblant à celles des pâtes « al dente, » cuisson exemplaire du poisson offrant des feuillets onctueux que l’on imbibe généreusement de sauce sublimée par la note de combava. Un grand plat enivré de Riesling Karthäuser (Weingut Tesch, 2019)
Sur quelques fragments onctueux de pied de cochon, imposante noix de Saint-Jacques bien dorée chapeautée de trompettes de la mort, de truffe noire (melanosporum dont un spécimen nous est présenté en salle par le Chef) et de noisettes torréfiées concassées. Sauce mousseuse au goût intense de champignons. En magnum un Albarinho (Pazzo de Rubianes 2018).
La langoustine de Guilvinec, parée d’écailles de potiron ferme, et déposée sur une délicieuse compotée de potiron assaisonnée de yuzu koshō, complète une série de trois entrées sur les nuances de couleurs : après le vert, le brun, voici l’orange, au centre d’une assiette anthracite pour accentuer l’effet dramatique. On regrette l’intensité de l’assaisonnement nippon, un peu trop intense pour la délicate langoustine. Coté expression liquide, on voyage en Côte d’Or : Auxey-Duresses (Domaine Diconne, « Terres Folles » 2019).
Le bœuf « Black Angus, » en provenance des antipodes, est accompagné d’une grosse tête des premières asperges vertes de Loire, d’une succulente composition croquante-onctueuse de topinambour, d’une petite échalotte fondante, de moëlle fumée et complétée par un jus légèrement gélatineux dans lequel j’aurai plaisir à tremper mon pain plusieurs fois. Présentation impeccable et plutôt géométrique. Un Crozes Hermitage (« Les Hauts Granites » 2022, J. Boutin) électrise le plat.
Conclusion en trois parfums bien équilibrés – agrumes (orange et pamplemousse), chocolat, café – deux couleurs chaleureuses – jaune-orangé et nuances de brun – multiples textures et en deux compositions. Sur une assiette : sphère brillante couronnée de biscuits en forme de branche d’olivier, cœur crémeux et fruité, sauce à l’orange perlée de d’huile vanillée. Au creux d’un bol, sur des biscuits chocolatés concassés, sorbet cacao et disque de chocolat pulvérisé d’or. Un sans faute qui fait presque oublier le Maury pourtant bien en accord (Marc et Caroline Barriot 2022).
C’est le moment de commenter le repas en présence du Chef. Les mots sont élogieux tout en suggérant quelques améliorations possibles. Les applaudissements laissent présager un retour prochain.
Avant de passer à la cérémonie du thé accompagné de mignardises, l’un des Membres nous offre un vin de porto blanc (R. Steenacker & Co) provenant de sa cave. La belle couleur caramel trahit l’âge très vénérable du vibrant breuvage élaboré en 1937. Voilà comme on aime terminer ces moments de partage et de communion gastronomique au Club.
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