Pour la dixième fois consécutive, l’Assemblée générale du Club royal des gastronomes de Belgique se déroulait au restaurant Comme Chez Soi. Après la réunion, les Membres se sont rassemblés dans la cuisine pour déguster un champagne Bollinger servi en magnum avec quelques mises en bouche légères et gouteuses dont une préparation au fromage bleu et fines herbes, des beignets d’huitre, ou encore un velouté de moules aux pickles.
Le ballet des plats commence avec un onctueux bavarois de carottes au cumin, chapeauté d’une crêpe croustillante en forme de fleur de pervenche stylisée. Il est déposé sur une brunoise de carottes multicolores croquantes, acidulée et entourée d’une sauce au cresson elle-même perlée d’huile au cresson. Cet ensemble frais et coloré aux saveurs subtiles, est accompagné d’un chardonnay de Stefan Meyer.
On continue avec un clin d’œil à un classique de la cuisine belge. Roses, jaunes et rouges-intense, des paires de petits cônes de betterave emplis de compotée de betterave sont couchés en cercle, formant une fleur sur un tartare « préparé » de betteraves que vient assaisonner une vinaigrette rose-pâle au cidre de Bruxelles. Quelques pommes paille complètent l’illusion. Les amateurs de betterave se régalent de cet ensemble aigre-doux, les autres se réconcilient plus ou moins avec cette racine malaimée.
L’intensification des saveurs continue avec une préparation autour de la coquille Saint-Jacques de Dieppe. Colorée et cuite sans excès, coiffée d’une julienne d’algues séchées, la noix charnue trône sur une raviole de coucou de Malines tachetée d’herbes hachées. Un consommé au curry rouge et à la coriandre galvanise ce plat aux saveurs équilibrées et complexes.
Intermède caritatif avec la visite d’un « Noiraud » maquillé aux couleurs de la Belgique et figure de proue de l’association bruxelloise créée en 1876 et aujourd’hui dénommée « Œuvre royale des berceaux Princesse Paoloa ».
Dernières truffes de l’année. Ravioles farcies de champignons saucées de coulis de céleri-rave fumé, enrichies de gruyère râpé et fondant, généreusement parsemées de julienne de truffes noires. L’un des serveurs passe avec une grosse truffe et une mandoline pour ajouter un voile noir supplémentaire sur chaque assiette. L’odeur est enivrante. La dégustation jouissive se fait en silence avec un vin de grenache et carignan du Domaine Boucabeille (« Le bon sauvage »).
Suprême de pigeon de Vendée à la cuisson horlogère frôlant la perfection. Il est couvert d’un manteau de pistaches concassées et de dés de pleurotes de panicaut offrant ainsi un agréable jeu de textures en bouche. Un boudin des cuisses bien assaisonné l’accompagne, et, sur une assiette à part, une construction méticuleuse de chicons à la flamme, de radis croquants en éventail, et de rouleaux farcis de pigeon et de pistaches. Un plat riche et équilibré aux saveurs multiples, enivré d’un Château la Lagune (2016).
Conclusion en trois temps autour du café. Au creux d’une assiette de verre, soyeuse crème vanille modelée sur des grains de café et mouillée de café à la dernière minute. Séparément, sur une assiette brune ondulée au motif granuleux, délicieux et aérien tiramisu de forme ovale entouré d’un fin ruban de chocolat noir. Et enfin des bouchées croquantes-fondantes au café vert à l’allure étonnante, quasi-psychédélique : des cubes blancs en beurre de cacao fourrés de ganache servent de piédestal à une crème au café en forme de goutte vert-amande piquée de taches oranges et de feuilles d’or.
Le Chef et son épouse nous rejoignent, accompagnés de la « cinquième génération. » Après les applaudissements habituels, je fais remarquer dans mon commentaire l’extraordinaire longévité de ce restaurant, qui, depuis près d’un siècle, a su traverser les modes culinaires, surmonter les opinions changeantes des guides, mais surtout combler les exigences de milliers de clients venus du monde entier.
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