Quel plaisir de revenir au restaurant De Jonkman à Sainte-Croix, près de Bruges. Après avoir longé l’allée pavée qui traverse le jardin verdoyant embelli de sculptures originales aux couleurs vives, nous sommes chaleureusement accueillis par une brigade de salle souriante et conduits dans une salle vitrée jouxtant le jardin, où une grande table nappée de blanc et ornée de vases ovoïdes multicolores piqués de fleurs roses nous attend.
Premier verre de champagne debout et conversation déjà animée et amicale. Nous sommes invités à passer à table pour les mises en bouche qui seront accompagnées du même champagne généreusement re-servi (Champagne Geoffroy expression – premier cru). Le Chef sait combien ces petites bouchées donnent le ton d’un repas et il excelle en la matière, il joue avec les couleurs, les formes, les textures, les saveurs et les températures.
Le Chef vient en salle terminer la première entrée. Un tartare de bœuf Holstein d’un élevage particulier, qu’il a, pour la petite histoire, ironiquement découvert chez un ami en Espagne… Présentation impeccable : le disque de tartare au couteau est surmonté d’une croustillante tartelette emplie d’un granité éthéré au raifort. L’ensemble est cerné de pétales de radis minutieusement arrangés, et complété avec trois sauces dont un sirop de céleri rave remarquable.
On continue avec du crabe de la Mer du Nord. Émietté, il sert de support à un fagot d’asperges vertes et un bouquet d’herbes parfumées. Quatre sauces d’une grande finesse et de couleurs différentes dont un jus de crustacés se mêlent agréablement en bouche pour magnifier le crabe dans une équilibre de saveurs auquel il est difficile de résister. Le sommelier surprend certains avec un riesling de Léon Beyer (Comtes d’Eguisheim, 2018) et ravit d’autres avec un Rodenbach Vintage 2021.
La pêche du jour est du carrelet provenant du bateau de pêche Z571 du collectif NorthSeaChefs dont Filip Claeys est fondateur et inspirateur (Ce collectif s’attaque à la surpêche et tente de donner aux espèces de poissons sous-estimées ou moins connues et aux captures accidentelles, une valeur culinaire importante). Des veines vertes et blanches entrelacées créent le motif central brillant d’une grande assiette blanche – autrement lisse et mate – sur lequel est déposé un morceau de carrelet nappé de sauce. Rapidement on découvre que le motif était une illusion et que la couleur verte est en fait une huile à la chlorophylle. La texture un peu granuleuse du carrelet absorbe bien la sauce pour le plaisir des papilles. Une asperge blanche au feu de bois, accompagne le poisson. Le contraste des goûts et des textures entre le marin et le végétal est saisissant.
Une dentelle de Bruges, coiffant une écume au genièvre, elle-même dissimulant une mirepoix de fenouil et une huile infusée d’oseille, remplace plaisamment le classique « trou normand » souvent trop alcoolisé. Le palais « remis à zéro » par cette composition rafraîchissante est prêt pour le plat principal.
Une côte d’agneau de lait des Pyrénées parfaitement manchonnée, panoufle colorée et croustillante sur l’extérieur, viande très tendre rosée à cœur, gras fondant. En accompagnement : tranche biseautée d’aubergine passée sur la braise, croustillante sur l’extérieur et crémeuse au centre ; artichaut poivrade et ail des ours. Une sauce gourmande exceptionnelle vient sublimer le plat, qu’enivre un Chambolle-Musigny généreusement offert par l’un des convives (1er Cru Les Sentier, Domaine Anne Sigaut, 2018 – magnum).
À la place du dessert à la fraise et à la rhubarbe qu’accompagnait merveilleusement un vin de Sauternes également offert (Château Guiraud, 1er Cru Classé, 2003), dont se sont régalés des voisins de table, j’ai opté pour un assortiment de fromages affinés bien tempérés.
Pour clore le repas de la même façon qu’il s’était ouvert, une collection de mignardises de belle facture est apportée : cannelés croquants/crémeux, madeleines tièdes et croustillantes, mélocakes revisités et macarons, sans oublier les cigares du Chef.
Pendant que l’on sert des digestifs offerts par l’un des convives, le Chef nous rejoint de nouveau et c’est le moment de le féliciter ainsi que sa brigade, en se promettant de ne pas attendre trop longtemps cette fois-ci avant de revenir.
Laisser un commentaire