Pour leur premier repas de l’année 2025, les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique se sont retrouvés en petit comité au restaurant Menssa du Chef Christophe Hardiquest. Une belle table ronde au nappage de lin de couleur sable, sobrement décorée les attendait, là où, l’année précédente, était encore un « coin apéritif » avec une grande banquette, premier signe d’une constante évolution.
Dès le vin de champagne servi, les prolégomènes arrivent. D’abord de très minces copeaux de champignons simplement accompagnés d’une écume et d’une crème à la levure de boulanger et servis dans une tasse fleurie sous une originale soucoupe à pied. Cette association est, a priori, une évidence, mais d’une justesse et d’une délicatesse qui nous transporte immédiatement dans le monde du Chef inspiré par la forêt voisine. Suivent de petits baos fourrés d’une sauce Soubise auxquels un passage rapide en friteuse a apporté un délicat croustillant, accentué par le riz soufflé les coiffant. Nous en faisons une grosse bouchée aussi savoureuse et réconfortante que la préparation suivante apportée et présentée par le Chef qui a revisité le chicon-gratin : de fondants petits morceaux de chicon sont mêlés avec du jambon puis liés avec une variante aérienne d’une sauce Béchamel et l’on retrouve toutes les saveurs bien connues. La dernière préparation au chou-rave et thon, certes très originale, convainc moins les convives.
Le pain au levain est servi avec un beurre pommade au beurre noisette. La croûte aux arômes de grillé et de caramel est craquante, la mie nacrée aux alvéoles régulières marquées dans une généreuse chair, est bien élastique et voluptueuse. Absolument délicieux bien-sûr.
Le Chef apporte les plats avec sa brigade, chacun reçoit son assiette en même temps. Les porcelaines et céramiques sont toutes originales et sobres.
La première entrée est une variation sur le chou-fleur : sous forme de « semoule » au creux d’une assiette de verre, en tranche passée au grill, et en mousse parfumée d’algues nori. Quelques graines de sarrasin apportent un croquant agréable, mais ce qui transforme magnifiquement le plat est la présence de segments d’anguille grassement fondante. Le sommelier propose un chenin du domaine de la Renière (« La Cerisaie, » 2022), que je n’ai pas goûté, tentant une alternative sans alcool élaborée avec les plantes du jardin.
Nous poursuivons avec plat végétal auquel on a donné une dénomination classique afin de ne pas effaroucher certains avec des noms de racines tubéreuses : sur une crème de céleri rave tachetée d’huile de livèche et entourée d’une rémoulade de céleri rave, a été déposé un tube croustillant de pomme de terre fourré d’un tartare crémeux de betterave rouge, et décoré d’œufs de harengs, et poudré de baobab – la pulpe du fruit de l’arbre mythique séchée et réduite en poudre. Frais, savoureux et léger, le plat n’a rien à envier à celui dont il est, finalement, lointainement inspiré (« l’américain préparé »). On comprend désormais mieux le choix d’un rioja blanc (Domaine Alegre Valgañón, 2021) très frais.
Voici maintenant une surprise qui nous remémore le déjeuner de l’année précédente lors duquel nous avions reçu un petit sandwich aux truffes. Cette fois-ci, une grosse morille garnie de « foie-gras » végétal et accompagnée d’un bouillon de champignon et d’ail des ours du printemps passé (le restaurant le stérilise en pots). Une belle préparation intensément sur le champignon.
C’est au tour d’une langoustine écarlate géante rôtie d’un côté, allongée au centre d’une assiette nacrée simplement accompagnée d’un caramel de citron sous une écume de vanille et d’un crémeux au citron, à la coriandre et au piment d’Espelette. Tel un condiment à utiliser avec parcimonie, le caramel intensément citronné ensauvage la langoustine à la chair fondante assaisonnée avec justesse. Mariage intéressant avec un vin corse du clos Venturi (« Brama, » 2019).
En plat principal un morceau de daurade royale à la cuisson irréprochable, poché dans un beurre au cumin, terminé à la plancha sur la peau afin de rendre cette dernière bien croustillante et délectable. Du fenouil cuit au feu de bois, une salade de fenouil frais, des pousses de fenouil et un kumquat confit dans de l’huile d’olive escortent le poisson qu’un jus goûteux de ses arêtes vient galvaniser. Un vin rouge léger, fruité et gouleyant des côtes roannaises du domaine Sérole (« Éclat de granite »2022) enivre ce plat savoureux.
Avant le dessert, nous nous laissons tenter – a posteriori sans aucun regret – par une préparation de fromage et champignon : tranches translucides de vacherin passées sous la salamandre et puissamment odorantes. Elles recouvrent des lamelles de truffe noire déposées sur un matelas de purée de pomme de terre à la truffe. Le parfum musqué du champignon tiédi exhale. Sublime régal.
Nous concluons le repas avec du coing cuit dans son propre jus, un sorbet de coing au safran, une émulsion au thé de sarrasin, et un feuilletage caramélisé délicieusement friable. Le coing est fondant et sa texture ressemble à celle d’une pâte de fruit. L’accord avec le safran dosé avec justesse est excellent et le jurançon moelleux du domaine Castera parfait ce grand dessert.
Trop occupé par la conversation, par mon café irlandais et à déguster les mignardises servies dans de belles soupières chinées par le Chef lors de ses voyages, j’en oublie de faire mon commentaire habituel. Le Chef recevra tout de même les vifs applaudissements des convives au moment de partir en évoquant les prochaines visites…